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La naissance de mon petit Ary acheva d’effacer la trace de toutes ses larmes. Son affection pour cet enfant fut une vraie adoration. L’instinct maternel qui débordait en elle trouva ici son épanchement naturel. Sa douceur, sa patience inaltérable, son goût de ce qui est simple et bon lui inspiraient pour l’enfance des tendresses indicibles. C’était une sorte de culte religieux, où sa nature mélancolique trouvait un charme infini. Quand naquit mon second enfant, une fille que je perdis au bout de quelques mois, elle me dit plusieurs fois que cette petite venait pour la remplacer près de moi. Elle aimait la pensée de la mort et y prenait mille complaisances : « Vous verrez, chers amis, nous disait-elle, que la petite fleur que nous avons perdue nous laissera un très suave parfum. » L’image de cette douce petite morte fut pour elle longtemps sacrée. Ainsi mêlée à nos