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tait de devenir la richesse. La pensée nous vint de nous réunir. En septembre 1850, j’allai la rejoindre à Berlin. Ces dix années d’exil l’avaient toute transformée. Les rides de la vieillesse s’étaient prématurément imprimées sur son front ; du charme qu’elle avait encore quand elle me dit adieu dans le parloir du séminaire Saint-Nicolas, il ne lui restait que l’expression délicieuse de son ineffable bonté.

Alors commencèrent pour nous ces douces années dont le souvenir m’arrache des larmes. Nous prîmes un petit appartement au fond d’un jardin, près du Val-de-Grâce. Notre solitude y fut absolue. Elle n’avait pas de relations et ne chercha guère à en former. Nos fenêtres donnaient sur le jardin des Carmélites de la rue d’Enfer. La vie de ces recluses, pendant les longues heures que je passais à la Bibliothèque, réglait en quelque sorte la sienne et faisait son unique distraction. Son respect