à Tréguier. Notre père servit sur les flottes de la République. Après les désastres maritimes du temps, il commanda des navires pour son compte, et se laissa peu à peu entraîner à un commerce considérable. Ce fut une grande faute. Complètement inhabile aux affaires, simple et incapable de calcul, sans cesse arrêté par cette timidité qui fait du marin un véritable enfant dans la pratique de la vie, il vit la petite fortune qu’il tenait de sa famille se fondre peu à peu dans un gouffre qu’il ne mesurait pas. Les événements de 1815 amenèrent des crises commerciales qui lui furent fatales. Sa nature sentimentale et faible ne tenait pas contre ces épreuves ; il retirait peu à peu son enjeu de la vie. Ma sœur assista heure par heure aux ravages que l’inquiétude et le malheur exerçaient sur cette âme douce et bonne, égarée dans un genre d’occupations qui n’était pas le sien. Elle acquit dans ces
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