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ses côtés sans qu’elle ait pu me soigner, oh ! c’est l’enfer au cœur que cette créature céleste a dû expirer. La conscience est chose si différente et de ses apparences et du souvenir qui en reste, qu’à cet égard j’ai peine parfois à être entièrement rassuré.

Moins épuisé que ma sœur, je supportai la dose énorme de sulfate de quinine qui me fut administrée. Je repris quelque sentiment le mardi matin, une heure à peu près avant celle où ma bien-aimée expirait. Ce qui prouve que dans la journée du dimanche et même pendant mon délire j’eus bien plus de conscience que ne l’attestent mes souvenirs, c’est que ma première question fut pour demander comment allait ma sœur. « Elle est très mal », me répondit on. Je répétais sans cesse la même question dans le demi-sommeil où j’étais. « Elle est morte », me répondit-on enfin. Chercher à me tromper était inutile,