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révélations. Sa joie était complète, et ce furent là sans doute les plus doux moments de sa vie. Notre communion intellectuelle et morale n’avait jamais été à un tel degré d’intimité. Elle me dit plusieurs fois que ces jours étaient son paradis. Un sentiment de douce tristesse s’y mêlait. Ses douleurs n’étaient qu’assoupies, elles se réveillaient par moments, comme un avertissement fatal. Elle se plaignait alors que le sort fût pour elle si avare et lui reprît les seules heures de joie parfaite qu’il lui eût concédées.

Dans les premiers jours de septembre, le séjour de Ghazir me devint fort incommode, par suite des nécessités de la mission, qui exigeaient ma présence à Beyrouth. Nous dîmes adieu, non sans larmes, à notre maison de Ghazir, et nous parcourûmes une dernière fois cette belle route du fleuve du Chien, qui depuis un an nous avait été si familière.