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Il y a bien du pour et du contre dans le projet d’entrée à cette École. Un espace de trois années, ajouté à une année de préparation, rejette dans un éloignement qui m’effraie l’époque où je cesserai de peser sur des êtres chers, que je voudrais au contraire soutenir le plus tôt possible par des secours réels. Quoi ! chère amie, ce ne serait qu’après quatre longues années, à l’âge de vingt-sept ans, que je pourrai commencer à te rendre ce que tu as fait pour moi ? Au contraire, en prenant mes grades en dehors de l’École normale, en supposant même, ce que je ne pense pas, que le terme de mon agrégation fût reculé jusque là, je pourrais, par des provisoires avantageux, tempérer l’onéreux de ces expectatives.

En outre, chère amie, n’es-tu pas effrayée comme moi de ces dix ans d’engagement ? Et si quelque coup de vent inattendu venait à souffler, si quelque heureuse circonstance s’offrait à moi, et que je me visse retenu par ce fatal lien ? D’ailleurs, tu le sens, une obéissance plus passive est par là imposée ; on risquerait de se voir gêné dans ses goûts et