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veraient déjà plus à Vienne. Oh ! si aujourd’hui, si demain je recevais la lettre bienheureuse ! Mais il y a déjà si longtemps que cette espérance me fait reculer de jour en jour, que je craindrais enfin de te causer à toi-même les mêmes inquiétudes que celles auxquelles je suis en proie.

Je n’ai guère de courage, chère amie, dans cette pénible attente, pour raisonner froidement avec toi sur les projets importants, qui occupent toutes mes pensées, quand des sujets bien plus sensibles ne viennent pas les absorber. Je dois pourtant te présenter l’esquisse des faits les plus importants qui se sont passés depuis nos derniers entretiens, et te dire les pensées qu’ils ont suscitées dans mon esprit. De longtemps peut-être nous ne pourrons entretenir de correspondance régulière, à cause des perpétuels déplacements du voyage.

Je te dirai d’abord une fois pour toutes, chère amie, que je me trouve fort bien dans cette maison, et qu’en fait de provisoire, je ne pouvais réellement m’attendre à mieux. L’expérience m’a fait confirmer tous les jugements que j’en avais portés dès le premier