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demande la marche progressive que j’ai adoptée. Tu trouveras peut-être, bonne amie, dans plusieurs points de ma conduite, et spécialement dans celui-ci, quelque faiblesse. Avoue au moins que, si jamais elle fut pardonnable, c’est dans les circonstances où je me suis trouvé. Mais je n’en suis point à demander pardon pour elle ; je l’aime et je m’en fais honneur. Saint Paul était certes une âme énergique, et n’a-t-il pas dit : Je me glorifie dans mes faiblesses ? Oui, il y a une faiblesse sainte et vertueuse, nécessaire pour compléter la parfaite harmonie de la nature humaine. L’homme parfait serait, ce me semble, un peu faible, et le Christ ne l’a-t-il pas été ? Il n’y a que les barres de fer qui ne fléchissent jamais.

Quant à mon état intérieur, chère Henriette, il est beaucoup plus calme que je n’aurais pu l’espérer, et à toutes ces révolutions extérieures n’a correspondu aucune révolution intérieure. J’ai appris plusieurs choses, mais je n’ai changé en rien sur le système général de vie intellectuelle et morale. Ma tente s’est élargie, mais elle est toujours posée sur le