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ennoblir par l’intérieur ; mais je pense à toi, et cela me relève.

Pourtant, au milieu de cette vie si douce et si calme, tu comprends sans peine ce que ma position vis-à-vis de maman a dû avoir de pénible. Elle n’avait encore que de très vagues soupçons de mon état, et elle cherchait à deviner ma pensée sous chacune de mes paroles et de mes démarches Et moi, je craignais de laisser voir, et pourtant je le devais... Juge combien je souffrais. La nécessité de lui faire entendre ce qui est, et la crainte de la désoler m’entraînaient dans des démarches presque contradictoires, et cette bonne mère, avec une habileté qui me désolait, savait tout interpréter suivant le désir de son cœur. Elle ne voulait rien entendre à demi-mot. Il a fallu qu’un certain jour, à certaine heure, que je n’oublierai jamais, j’aie été plus explicite. J’ai dit nettement qu’il était douteux... et qu’il fallait attendre. Eh bien ! depuis ce temps, elle a été plus calme ; le voyage d’Allemagne, qui a été le thème fondamental, le projet des études libres ne l’ont pas effrayée comme d’abord, je savais tourner tout cela vers ses