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nouveau pour toi, où tu craignais tant l’abandon, il se trouvera aussi quelques voix pour t’ encourager. M. Julien n’est pas seulement un savant érudit, c’est un honnête et bien bon homme. Ouvre donc ton cœur à l’espérance, mon pauvre ami ; tu vois que de loin comme de près ta sœur cherche en tout à veiller sur toi. Je voudrais donner des ailes à mes lettres pour qu’elles aillent bien vite te fortifier, te dire que nulle part tu ne seras abandonné tant qu’il me restera un souffle de vie. Ernest, ne me désole point : ne commets ni faiblesse, ni imprudente concession ; moi qui connais le fond de ta pensée, je les regarderais comme coupables, et je ne puis croire que mon opinion soit à tes yeux de nulle valeur. Songe qu’il s’agit non seulement de toute ta vie, mais du repos de la mienne, du seul bonheur que la terre puisse me donner. Je suis dévorée d’inquiétude. La seule chose qui me donne quelque consolation c’est de te voir enfin résolu, d’espérer que tu vas suivre mes conseils, de penser que tu vas prendre, au moins pendant six mois ou un an, une petite chambre d’étudiant, et que tu emploieras ce temps à