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supplier de n’y songer que dans le cas où toute autre voie n’offrirait aucune issue. Je te le répète, je n’ai jamais pu te l’offrir que comme un moyen de gagner le temps de la réflexion, car je prévoyais toujours que tôt ou tard ce qui a eu lieu devait arriver ; mais aujourd’hui que la réflexion est venue, qu’elle a porté ses fruits, ce ne serait plus gagner du temps, ce serait en perdre et rendre peut-être impossible l’entrée d’une autre carrière. D’ailleurs, mon cher ami, puisqu’il s’agit de t’épargner des heures amères, je n’hésite pas à te dire que cette vie sous le toit, dans la famille, à la table d’autrui, est horriblement pénible et difficile... Si tout venait à nous manquer, nous reviendrions certainement à ce projet ; mais ne néglige rien pour que ce ne soit pas nécessaire, et, pour une épargne présente, ne vas pas compromettre tout notre avenir. Oui, notre avenir, cher Ernest, car je ne puis croire qu’aucun événement puisse séparer désormais ni nos intérêts ni nos cœurs.

J’arrive à mes supplications ordinaires pour l’article finances : de grâce, n’aie pas d’hésitations mal entendues sur ce point. J’ai