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qui, bien entendu, ne serait que la raison elle-même, à ces idées mesquines et étroites, à toute cette mythologie qui tombe devant la critique… Henriette, pardonne-moi de te dire tout cela : je n’adhère pas à ces pensées, mais je doute, et il ne dépend pas de moi de voir autrement que je vois. Et pourtant ils vous disent qu’il faut admettre tout cela, qu’on n’est pas catholique sans cela. O mon Dieu, mon Dieu, que faut-il être donc ?… Voilà mon état, ma pauvre Henriette… Il ne s’agit pas entre nous de toute cette théorie ; mais tu comprends maintenant ma position. Oui, je te le répète, c’est là l’unique cause qui m’éloigne du sacerdoce. Humainement, tout m’y sourirait ; la vie qu’il impose ne serait pas bien différente de celle qu’en tout cas je mènerai ; je serais sûr en l’embrassant d’un avenir parfaitement conforme à mes goûts, toutes les circonstances semblent réunies pour m’aplanir les voies ; je puis même te le dire, une réputation commencée, qui m’assure que je parviendrais à sortir de cet insipide vulgaire… Mais tout doit céder au devoir. Il n’y a que maman qui me déchire le cœur ; là, il n’y a pas de remède.