Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que de légers nuages, qui se sont dissipés, aussitôt que j’ai compris que toutes les conditions de la vie étaient assujéties à ces épreuves et à de plus cruelles encore. Maintenant plus que jamais je me sentirais prêt à les mépriser et, si Dieu m’accordait en ce moment celle illumination intérieure, qui fait toucher l’évidence et ne permet plus le doute, oui, dès ce moment, je me consacrerais au catholicisme, et je me dévouerais non pas à la mort, puisqu’il ne s’agit plus de cela, mais au mépris et à la raillerie, pour défendre une cause qui aurait ravi ma conviction.

Mais au milieu de tout cela, ma pensée poursuivait un immense travail. Du moment où ma raison se réveilla, elle réclama ses droits légitimes, tels que tous les temps et toutes les écoles les lui ont accordés ; j’entrepris dès lors la vérification rationnelle du christianisme. Dieu, qui voit le fond de mon âme, sait si j’y ai procédé avec attention et sincérité. Comment, en effet, juger légèrement et en se jouant les dogmes devant lesquels dix-huit siècles se sont prosternés ? Certainement, si j’avais à me défendre de quelque