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relles, ceux qui ne devraient connaître que des paroles de paix et de charité ?… Ne t’effraie donc pas à cette idée. Je ne veux ni t’offrir, ni te conseiller une rupture, mais si tes convictions et ta conscience t’y poussaient, ne crains pas le blâme de ceux dont l’opinion doit seule compter.

Ne redoute pas non plus les difficultés pécuniaires ; il n’en est pas que je ne sois prête à lever, du moins dans la sphère où mes faibles moyens me permettent d’atteindre. Quant à te créer une autre perspective, notre frère et moi nous serions encore tes appuis, et nous réussirions, je l’espère, non pas peut-être au gré de nos désirs ; mais enfin, mon Ernest, tout sort n’est-il pas momentanément acceptable quand il donne du pain et de l’indépendance, ces deux premières nécessités de la vie ? Je te le répète, bon et cher ami, mon but en tout ceci n’est de te pousser à rien : je veux seulement, je désire par-dessus tout que tu sois libre pendant deux années, que tu puisses juger sainement ce qu’on te propose ; puis, si tu voulais reprendre la même voie, je n’aurais plus la moindre observation à faire,