Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rempli sa vie et en attribuer la cause après Dieu à ses enfants bien-aimés. Maman est vraiment un des plus beaux types de mère que je puisse imaginer. Elle ne vit que par nous, elle s’identifie avec nous. La seule différence que j’aie trouvé en elle à ce voyage, c’est que la solitude commence à lui peser davantage : elle ne me l’a pas dit, mais je l’ai induit de plusieurs petites circonstances.

La vie douce et calme que j’ai menée durant les vacances m’a complètement remis de l’état d’épuisement où je me trouvais l’an dernier dans les derniers mois de l’année. Ma santé n’a jamais été plus parfaite et même je me trouve maintenant plus fort qu’à l’époque de la rentrée. Pourtant, les premiers jours ont été bien pénibles. J’étais étonné, après avoir passé tant de fois par ce douloureux moment, de me trouver encore si faible. Tout un autre monde de pensées tristes, dures, souvent aigres et inquiètes, se réveillait en moi après s’être longuement assoupi. Enfin, au bout de quelques jours, j’étais de nouveau enfoncé dans l’étude et cela m’a rendu un peu de nerf. Du reste, ma bonne Henriette, il