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associations d’idées, retrouver ces habitudes domestiques, qui sont si puissantes pour répandre sur l’âme une certaine suavité, qui la fléchit sans l’amollir, c’était plus qu’il n’en fallait pour me remettre des fatigues de ma vie ordinaire, et de la trempe un peu raide, que mes pensées tendent à y prendre. Il semble que les paroles de la mère aient une efficace toute particulière pour tout adoucir, lors même qu’elles semblent y viser le moins. D’ailleurs, où chercher l’affection pure et désintéressée, si ce n’est sur son sein ? Comme c’est un besoin du cœur de l’homme, il était juste que Dieu réservât à chacun un cœur où il pût être sûr de trouver ce qu’il chercherait en vain ailleurs. Jamais aussi je n’avais eu l’esprit plus libre : les facultés intellectuelles tiennent par des liens secrets aux facultés morales et affectives, et ressentent le contrecoup de la souffrance ou du bien-être de ces derniers. Ce sont deux systèmes faits pour marcher ensemble et non pour se suppléer. Que l’étude, en nourrissant l’intelligence, puisse adoucir les souffrances de la partie affective privée d’aliment, cela est vrai ; mais