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voyais passer de longues files de traîneaux devant la grille de cette riche demeure, je me suis souvent surprise à les regarder en me demandant si j’étais encore dans le même hémisphère où j’avais jusqu’alors vécu. J’ai fréquemment l’occasion de m’arrêter au même doute ; heureusement, j’ai pris le parti de ne m’occuper que de ce qui concerne l’avancement de mes élèves ; tout le reste m’est absolument égal. Être utile à ceux que j’aime, leur consacrer toutes mes forces, leur réserver toutes mes affections, voilà les premiers mobiles de ma vie, voilà l’intérêt que je n’oublie jamais et que je retrouve avec la même vivacité sous tous les climats. Sois pour moi sans inquiétudes, mon bon Ernest ; il est peu de choses qui m’ébranlent quand il ne s’agit que de moi-même. Pardonne le décousu de cette lettre, mon ami ; je la termine dans la nuit qui précède notre voyage et au milieu de tous les embarras d’un départ. Puisse-t-elle du moins te prouver que ma tendresse pour toi est toujours la même et que je ne saurai jamais tarder à te le dire !

J’espère que tu m’écriras avant les vacan-