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prendre dans un âge où l’on connaît si peu les rudes sentiers de la vie !… En relisant ma dernière lettre, tu as pu voir, mon ami, que la perspective de voyage dont je te parlais n’était nullement rapprochée et que je t’ouvrais plutôt une idée que je ne te traçais une voie. Il en sera toujours ainsi, mon bon enfant. Je te dirai tout ce qui paraîtra mériter considération ; tu resteras, ensuite, parfaitement libre d’en décider ce que tu voudras : je n’ai jamais compris les conseillers qui trouvent mauvais qu’on ne suive pas leurs avis.

La pensée de te voir accepter si jeune une place de professeur à Saint-Nicolas, ne me sourit nullement. Il faudrait, pour que cette place fût de quelque avantage, qu’il y eût par ailleurs la possibilité de continuer de hautes études, car, sans cela, mon bon ami, que pourrais-tu acquérir dans le poste si rebutant de maître d’études, ni même dans l’enseignement d’une classe élémentaire de latin ? Ne serait-il pas malheureux d’y consacrer un temps qui pourrait être employé plus utilement ? Ton désir, après tes études, d’aller les mûrir dans la solitude de notre terre natale, n’est