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lectuelles et morales, ne pourrait-il pas suffire pour me dispenser d’embrasser une carrière où je ne puis me dissimuler que je ne saurais guère les trouver ?

Voici ce que je me suis répondu : Il y a deux sortes d’indépendance d’esprit, l’une, hardie, présomptueuse, frondant tout ce qui est respectable : celle-là, mon devoir de prêtre me l’interdit ; mais, quand même j’embrasserais une autre voie, ma conscience et l’amour sincère de la vérité me l’interdiraient encore ; ce n’est donc pas de cette sorte d’indépendance qu’il peut être question. Il en est une autre plus sage, respectant ce qui est respectable, ne méprisant ni les croyances ni les personnes, examinant avec calme et bonne foi, usant de sa raison puisque Dieu la lui a donnée pour s’en servir, ne rejetant ni n’adoptant jamais une opinion sur une simple raison d’autorité humaine. Voilà celle qui est permise à tous, et pourquoi ne le serait-elle pas au prêtre ? Il est vrai qu’il est soumis sur ce point à un devoir de plus que les autres. C’est de savoir se taire à propos et de garder pour lui sa pensée : car le nombre de ceux