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et m’a fait remonter qu’elles ne fussent que trop vraies. J’ai désiré bien des fois que le coup décisif eût été porté d’un côté ou de l’autre pour trancher tant de pénibles incertitudes, quoique plus souvent je me sois réjoui d’avoir encore en mon pouvoir cette liberté, le plus précieux de tous nos biens, et par là même le plus difficile à conserver.

Quand je traite la grande question qui occupe mes pensées les plus sérieuses, je pose toujours en principe que chacun, pour connaître l’état auquel il est destiné, doit chercher dans l’étude de lui-même la solution de ce problème, le plus important et le plus négligé de tous. Les goûts et les penchants de chaque homme en sont les véritables données, et je crois qu’il n’y a si peu d’hommes à leur place que parce qu’il y en a si peu qui se connaissent. Ceci étant démontré pour moi, je cherche de toutes mes forces et avec toute l’application dont je suis capable, a connaître mes inclinations et mes penchants. Or, je le répète, une seule chose a ressorti pour moi de cet examen, c’est un goût constant et exclusif pour une vie retirée