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te sera-t-il accordé de choisir la voie que tu voudras suivre ? n’y a-t-il pas un chemin tracé duquel il ne faut en rien s’écarter ? Le nombre et la coutume n’entraînent-ils pas la minorité et le devoir ?… Je te le répète, mon ami, je ne te pose ici que des questions ; puissent ta raison et ta conscience t’aider à les résoudre !… J’ai beaucoup vécu, je t’aime comme un cœur dévoué sait aimer, — et pourtant je m’arrête lorsqu’il s’agit en cette circonstance de te donner des conseils. Si précédemment il avait dépendu de moi de guider ta carrière, je ne me serais pas contentée de te laisser une entière liberté, car tu n’étais encore qu’un enfant ; j’aurais cru devoir résister longtemps avant de céder aux goûts que tu témoignais ; — aujourd’hui, j’agis différemment parce que je te crois une raison au-dessus de ton âge et que je sens qu’il faut que ta détermination vienne de toi seul et non des convictions d’autrui. Mais, mon bon Ernest, c’est un motif de plus pour te supplier de ne rien hâter en un sujet de telle importance. Laisse venir l’âge où tu seras homme et capable de juger ce que tu repous-