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Mais l’Évangile était maudit ; la lecture en était sévèrement défendue[1], ce nom même d’Évangile donnait lieu à un jeu de mots, qui le faisait signifier « évidente iniquité ». Un certain Élisa ben Abouyah, surnommé Aher, qui professa une sorte de christianisme gnostique, fut pour ses anciens coreligionnaires le type du parfait apostat[2]. Peu à peu les judéo-chrétiens furent mis par les juifs sur le même rang que les païens et fort au-dessous des samaritains. Leur pain, leur vin furent censés profanes ; leurs moyens de guérison proscrits, leurs livres considérés comme des répertoires de la magie la plus dangereuse. Il en résulta que les Églises de Paul offrirent aux juifs qui voulaient se convertir une situation plus avantageuse que les Églises judéo-chrétiennes, exposées de la part du judaïsme à toute la haine dont sont capables des frères ennemis.

La vérité de l’image de l’Apocalypse apparaissait frappante. La femme protégée de Dieu, l’Église, avait vraiment reçu deux ailes d’aigle pour s’enfuir au désert, loin des crises du monde et de ses drames

    Voir Derenbourg, Palestine, p. 364-365, et Neubauer, Géographie du Talmud, p. 234-235. Comparez ci-dessus, p. 64-65.

  1. און גליון. Talm. de Bab., Schabbath, 116 a.
  2. Grætz, Gesch. der Juden, IV, 65, 102, 173, 191, 192, 212.