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la charité de rester tranquilles, jamais vous n’aurez contribué à une œuvre meilleure. Si vous ne dites rien, en effet, j’appartiendrai à Dieu ; si, au contraire, vous aimez ma chair, me voilà de nouveau rejeté dans la lutte. Laissez-moi immoler, pendant que l’autel est prêt, pour que, réunis tous en chœur par la charité, vous chantiez au Père en Christ Jésus : « O grande bonté de Dieu, qui a daigné amener du levant au couchant l’évêque de Syrie ! » Il est bon, en effet, de se coucher du monde en Dieu, pour se lever en lui.

Vous n’avez jamais fait de mal à personne ; pourquoi commencer aujourd’hui ? Vous avez été des maîtres pour tant d’autres ! Je ne veux qu’une seule chose, réaliser ce que vous enseignez, ce que vous prescrivez[1]. Demandez seulement pour moi la force du dedans et du dehors, afin que je ne sois pas seulement appelé chrétien, mais que je sois trouvé tel, quand j’aurai disparu selon le monde. Rien de ce qui est apparent n’est bon. « Ce qu’on voit est temporaire, ce qu’on ne voit pas est éternel[2]. » Notre Dieu Jésus-Christ, existant dans son Père, ne paraît plus. Le christianisme n’est pas seulement une œuvre de silence, il devient une œuvre d’éclat quand il est haï du monde[3].

J’écris aux Églises, je mande à tous que je suis assuré de mourir pour Dieu, si vous ne m’en empêchez. Je vous supplie de ne pas vous montrer, par votre bonté intempes-

  1. L’Église romaine avait sur le martyre les principes les plus sévères. Voir le Pasteur d’Hermas (vol. VI de cet ouvrage).
  2. Citation de II Cor., iv, 18 ; manque dans les anciennes versions des épîtres de saint Ignace.
  3. La leçon σιωπῆς μόνον est la bonne. La leçon πεισμονῆς n’offre