Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/490

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un autre trait de Luc, essentiellement romain, et qui le rapproche encore de Clément, c’est son respect pour l’autorité impériale et les précautions qu’il prend pour ne pas la blesser. On ne trouve pas chez ces deux écrivains la haine sombre contre Rome qui caractérise les auteurs d’apocalypses et de poëmes sibyllins. L’auteur des Actes évite tout ce qui présenterait les Romains comme des ennemis du christianisme. Au contraire, il cherche à montrer que, dans beaucoup de circonstances, ils ont défendu saint Paul et les chrétiens contre les juifs[1]. Jamais un mot blessant pour les magistrats civils. S’il arrête son récit à l’arrivée de Paul à Rome, c’est peut-être pour n’avoir pas à raconter les monstruosités de Néron. Luc n’admet pas que les chrétiens aient jamais été compromis légalement. Si Paul n’en avait pas appelé à l’empereur, « on aurait pu le renvoyer absous ». Une arrière-pensée juridique, en plein accord avec le siècle de Trajan, le préoccupe : il veut créer des précédents, montrer qu’il n’y a pas lieu à poursuivre ceux que les tribunaux romains ont tant de fois acquittés. Les mauvais procédés ne le rebutent pas. On ne poussa jamais plus loin la patience, l’optimisme. Le goût de la persécution, la joie des ava-

  1. Actes, xxiv, 7, 17 ; xxv, 9, 16, 25 ; xxviii, 17-18. Cf. les Apôtres, p. xxii et suiv. ; Saint Paul, p. 133-134.