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nance[1]. Comme Apollos, Cérinthe était né juif, et, avant de connaître le christianisme, avait été imbu de philosophie judéo-alexandrine. Il embrassa la foi de Jésus d’une manière toute différente des bons Israélites qui croyaient le royaume de Dieu réalisé en l’idylle de Nazareth, et des païens pieux qu’un instinct secret attirait vers cette forme mitigée du judaïsme. Son esprit d’ailleurs paraît avoir eu peu de fixité et s’être volontiers porté d’un extrême à l’autre. Tantôt ses conceptions se rapprochent de celles des ébionites[2] ; tantôt elles inclinent au millénarisme[3] ; tantôt elles flottent en plein gnosticisme, ou offrent de l’analogie avec celles de Philon. Le créateur du monde et l’auteur de la loi juive, le Dieu d’Israël enfin, n’a pas été le Dieu éternel ; ce fut un ange, une sorte de démiurge subordonné au grand Dieu tout-puissant. L’esprit de ce grand Dieu, longtemps inconnu au monde, n’a été révélé qu’en Jésus. L’Évangile de Cérinthe était l’Évangile des Hébreux[4],

  1. Cérinthe et Mérinthe sont distingués dans Épiph., hær. li, 6.
  2. Philastre, ch. 37.
  3. Caïus et Denys d’Alexandrie (l. c. ; cf. Pseudo-Aug., hær. 8) présentent seuls la chose sous ce jour. Il semble résulter de ces deux singuliers passages que l’Apocalypse fut par quelques-uns attribuée à Cérinthe, lequel aurait voulu se couvrir de l’autorité de Jean. Cf. Épiph., hær. li, 3-4 ; Théodoret, Hæret. fab., II, 3.
  4. Comp. Épiph., xxviii, 5 ; xxx, 3, 14, 26 ; li, 6 ; Philastre,