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Seigneur, maître universel, s’écrie-t-il, de toutes les forêts de la terre et de tous les arbres qui s’y trouvent, tu t’étais choisi une vigne ; de tous les pays de l’univers, tu avais élu un canton ; de toutes les fleurs du monde, tu t’étais choisi un lis. Dans toute la masse des eaux, tu as préféré un petit torrent[1] : entre toutes les villes bâties, tu t’es sanctifié Sion ; de tous les oiseaux, tu t’es dédié une colombe, et, de toutes les bêtes créées, tu n’as voulu pour toi qu’une brebis. Ainsi, parmi tous les peuples répandus sur la surface de la terre, tu en as adopté un seul, et à ce peuple aimé tu as donné une loi que tous admirent. Et maintenant, Seigneur, comment se fait-il que tu aies livré l’unique aux profanations, que sur la racine d’élection tu aies greffé d’autres plants, que tu aies dispersé le chéri au milieu des nations. Ceux qui te renient foulent aux pieds tes fidèles. Si tu en es venu à haïr ton peuple, à la bonne heure ! Mais il fallait au moins alors le punir de tes propres mains et ne pas charger des infidèles de ce soin[2].

Tu as dit que c’est pour nous que tu as créé le monde[3], que les autres nations nées d’Adam ne sont à tes yeux qu’un vil crachat… Et maintenant. Seigneur, voilà que ces nations, ainsi traitées de néant, nous dominent, nous foulent aux pieds. Et nous, ton peuple, nous que tu as appelés ton premier-né, ton fils unique, nous l’objet de ta jalousie, nous sommes livrés entre leurs mains. Si le monde a été créé pour nous, pourquoi ne possédons-nous pas du moins

  1. Celui de Cédron.
  2. Ch. v, 23-30.
  3. Ch. vi, 55-59.