Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/339

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans un tel état du langage et des esprits, le monothéisme juif et chrétien devait paraître la suprême impiété. La religion du juif et du chrétien s’attachait à un dieu suprême, dont le culte était une sorte de larcin fait au dieu profane. Adorer Dieu, c’était donner un rival à l’empereur ; adorer d’autres dieux que ceux dont l’empereur était le patron légal constituait une injure pire encore. Les chrétiens, ou plutôt les juifs pieux, se croyaient obligés de faire un signe de protestation plus ou moins apparent en passant devant les temples[1] ; au moins s’interdisaient-ils absolument le baiser que les païens pieux envoyaient à l’édifice sacré en passant devant lui[2]. Le christianisme, par son principe cosmopolite et révolutionnaire, était bien « l’ennemi des dieux, des empereurs, des lois, des mœurs, de la nature tout entière »[3]. Les meilleurs empereurs ne sauront pas toujours démêler ce sophisme, et, sans le savoir, presque sans le vouloir, seront persécuteurs. Un esprit étroit et méchant comme celui de Domitien devait l’être avec pédantisme et avec une sorte de volupté.

La politique romaine avait toujours fait, dans la

  1. Οἳ νηοὺς μὲν ἅπαντας ἀπαρνήσονται ἰδόντες. Carm. sib., IV, 26 ; Minucius Felix, 8.
  2. Apulée, De magia, 56. Cf. Pline, Hist. nat., XVIII, 2.
  3. Tertullien, Apolog., 2.