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déclarée à toute vertu. Faire la biographie d’un grand homme était un crime ; il semblait que l’on voulût abolir l’esprit humain et enlever à la conscience sa voix. Tout ce qu’il y avait d’illustre tremblait ; le monde était plein de meurtres et d’exils[1]. Il faut dire à l’honneur de notre pauvre espèce qu’elle traversa cette épreuve sans fléchir. La philosophie se reconnut et s’affirma plus que jamais dans sa lutte contre les tourments ; il y eut des épouses héroïques, des maris dévoués, des gendres constants, des esclaves fidèles. La famille de Thrasea et de Barea Soranus était toujours au premier rang de l’opposition vertueuse. Helvidius Priscus (le fils), Arulenus Rusticus, Junius Mauricus, Sénécion, Pomponia Gratilla, Fannia, toute une société de grandes et fortes âmes, résistaient sans espérance. Épictète leur répétait chaque jour de sa voix grave : « Supporte et abstiens-toi. Douleur, tu ne me feras pas convenir que tu es un mal. Anytus et Melitus peuvent me tuer ; ils ne peuvent me nuire[2]. »

C’est une chose bien honorable pour la philosophie et le christianisme que, sous Domitien de même

  1. Tacite, Agric., 2, 44, 45, 82 ; Hist., I, 2 ; Pline, Lettres, I, 5 ; III, 11 ; VII, 19, 33 ; IX, 13 ; Suétone, Dom., 10 ; Dion Cassius, LXVII, 3 et suiv., 13.
  2. Manuel, c. 1, 5, 21, 53, etc.