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écho de la parole de Jésus, résulte de la comparaison de l’Évangile de Luc et des Actes des apôtres. De part et d’autre, l’auteur est le même. Or, que l’on rapproche les discours de Jésus dans l’Évangile et les discours des apôtres dans les Actes, la différence est complète ; ici le charme du plus naïf abandon ; là (je veux dire dans les discours des Actes, surtout vers les derniers chapitres) une certaine rhétorique, par moments assez froide. D’où peut venir cette différence ? Évidemment, de ce que, dans le second cas, Luc tire les discours de lui-même, tandis que, dans le premier cas, il suit une tradition. Les paroles de Jésus étaient écrites avant Luc ; celles des apôtres ne l’étaient pas. Une induction considérable, d’ailleurs, se tire du récit de la Cène dans la première épître de saint Paul aux Corinthiens[1]. Voilà le texte évangélique le plus anciennement écrit qu’il y ait (la première épître aux Corinthiens est de l’an 57) ; or ce texte coïncide bien avec celui de Luc[2]. Luc peut donc avoir sa valeur de fond, même quand il se sépare de Marc et de Matthieu.

Luc marque bien le dernier degré de rédaction réfléchie où pouvait arriver la tradition évangélique. Après lui, il n’y a plus que l’Évangile apocryphe, pro-

  1. I Cor., xi, 23 et suiv.
  2. V. ci-dessus, p. 78.