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rappeler le ton ému, tantôt expirant, tantôt haletant, le mouvement tout féminin de la parole de Jésus, menée par l’image et le sentiment bien plus que par le raisonnement. C’est surtout dans les récits de l’enfance et de la Passion que l’on trouve un art divin. Ces épisodes délicieux de la crèche, des bergers, de l’ange qui annonce aux humbles la grande joie, du ciel descendant sur terre auprès de ces pauvres gens pour chanter le cantique de la paix aux hommes de bonne volonté ; puis ce vieillard Siméon, respectable personnification du vieil Israël, dont le rôle est fini, mais qui s’estime heureux d’avoir fait son temps, puisque ses yeux ont vu la gloire de son peuple et la lumière révélée aux nations ; et cette veuve de quatre-vingts ans qui meurt consolée ; et ces cantiques si purs, si doux, Magnificat…, Gloria in excelsis…, Nunc dimittis…, Benedictus Dominus Deus Israël…, qui vont servir de bases à une liturgie nouvelle ; toute cette exquise pastorale, tracée d’un contour léger au fronton du christianisme, tout cela est bien l’œuvre de Luc. On n’inventa jamais plus douce cantilène pour endormir les douleurs de la pauvre humanité.

Le goût qui portait Luc vers les narrations pieuses l’amena par une pente naturelle à créer pour Jean-Baptiste des « enfances » analogues à celles de