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Satan est l’ennemi juré des chrétiens et de Jésus ; le monde, les princes, les riches sont ses alliés dans l’œuvre d’opposition au royaume de Jésus. La démonologie de Luc est matérielle et bizarre[1]. Sa thaumaturgie a aussi quelque chose de la crudité matérialiste de Marc ; elle fait peur[2]. Luc ne connaît pas à cet égard les tons adoucis de Matthieu.

Un admirable sentiment populaire, une fine et touchante poésie, le son clair et pur d’une âme tout argentine, quelque chose de dégagé de la terre et d’exquis, empêchent de songer à ces taches, à plusieurs manques de logique, à des contradictions singulières. Le juge et la veuve importune[3], l’ami aux trois pains[4], l’économe infidèle, l’enfant prodigue, la pécheresse pardonnée, beaucoup de combinaisons propres à Luc, paraissent d’abord à des esprits positifs peu conformes à une raison scolastique et à une étroite moralité ; mais ces apparentes faiblesses, qui ressemblent aux défaillances aimables de la pensée d’une femme, sont un trait de vérité de plus, et peuvent bien

  1. Luc, iv, 1-13 (notez les particularités des versets 6, 13, en comparant Matthieu, iv, 1 et suiv.), 34-35 ; x, 18-19 ; xxii, 3, 53 ; xxii, 31-32.
  2. Luc, v, 8 et suiv., 26 ; vii, 16 ; viii, 25, 37, 45 et suiv.
  3. Luc, xviii, 1 et suiv.
  4. Luc, xi, 5-8.