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couches sociales, un avènement de nouvelles classes aura lieu. Chez les autres évangélistes, les gens que l’on substitue aux conviés primitifs sont des gens racolés sur les chemins, les premiers venus ; chez Luc, ce sont les pauvres, les estropiés, les aveugles, les boiteux[1], tous les disgraciés du sort. Dans ce royaume nouveau, il vaudra mieux s’être fait des amis parmi les pauvres, même par l’injustice, que d’avoir été un économe correct[2]. Ce ne sont pas les riches qu’il faut inviter à ses dîners ; ce sont les pauvres, pour que cela vous soit rendu dans la résurrection des justes[3], c’est-à-dire dans le règne de mille ans[4]. L’aumône est le précepte suprême ; l’aumône a même la force de purifier les choses impures ; elle est au-dessus de la Loi[5].

La doctrine de Luc est, on le voit, le pur ébionisme, la glorification de la pauvreté. Selon les ébionites, Satan, roi du monde, est le grand propriétaire du monde ; il en donne les biens à ses suppôts[6]. Jésus est le prince du monde à venir. Participer aux biens du monde diabolique équivaut à s’exclure de l’autre.

  1. Luc, xiv, 15 et suiv.
  2. Luc, xvi, 1 et suiv.
  3. Luc, xiv, 12-14.
  4. Apoc., xx, 5.
  5. Luc, xi, 41.
  6. Luc, iv, 6.