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un grand désordre ; Luc compose mieux que cela quand il ne suit que la tradition orale. On a calculé qu’un tiers du texte de Luc ne se trouve ni dans Marc ni dans Matthieu. Quelques-uns des Évangiles perdus pour nous, à qui Luc fait des emprunts, contenaient des traits fort précis : « ceux sur qui une tour tomba en Siloé » (xiii, 4) ; « ceux dont Pilate mêla le sang à leurs sacrifices » (xiii, 1). Plusieurs de ces documents n’étaient que des remaniements de l’Évangile hébreu, fortement empreint d’ébionisme, et se rapprochaient ainsi de Matthieu. Par là s’expliquent en Luc certains passages analogues à Matthieu, qui ne figurent pas en Marc[1]. La plupart des logia primitifs se retrouvent en Luc, non disposés sous forme de grands discours comme dans notre Matthieu, mais découpés, taillés, rattachés à des circonstances particulières. Non-seulement Luc n’a pas eu entre les mains notre Évangile de Matthieu, mais il ne semble pas qu’il ait utilisé aucun recueil des Discours de Jésus où déjà les grandes suites de maximes dont nous avons constaté l’insertion dans notre Matthieu fussent constituées. S’il a possédé de tels recueils, il les a

  1. Par exemple, le centurion de Capharnahum, Matth., viii, 5 et suiv. ; Luc, vii, 1-10 ; la parabole des conviés, Matth., xxii, 1 et suiv. ; Luc, xiv, 15 et suiv. ; la brebis perdue, Matth., xviii, 12-14 ; Luc, xv, 4-7.