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mais pour le moment dévorée par un furieux. Josèphe formait des projets d’ouvrages sans fin. Il avait cinquante-six ans. Avec son style artificiel et bigarré de lambeaux hétérogènes, il se croyait sérieusement grand écrivain ; il s’imaginait savoir le grec, dont il n’avait qu’un usage d’emprunt. Il voulait reprendre sa Guerre des Juifs, l’abréger, en faire une suite de son Archéologie et raconter tout ce qui était arrivé aux Juifs depuis la fin de la guerre jusqu’au moment où il écrivait. Il méditait surtout un ouvrage philosophique en quatre livres sur Dieu et son essence, selon les opinions des juifs, et sur les lois mosaïques, afin de rendre compte des prohibitions qui y sont contenues et qui étonnaient fort les païens[1]. La mort l’empêcha sans doute d’exécuter ses nouveaux desseins. Il est probable que, s’il avait composé ces écrits, ils nous seraient arrivés comme les autres. Josèphe, en effet, eut une destinée littéraire fort étrange. Il resta inconnu à la tradition juive talmudique ; mais il fut adopté par les chrétiens comme un des leurs, et presque comme un écrivain sacré. Ses écrits complétaient l’histoire sainte, laquelle, réduite aux documents bibliques, n’offre qu’une page blanche pour certains siècles. Ils formaient une sorte

  1. Jos., Ant., proœm., 4 ; I, i, 1 ; x, 5 ; III, v, 6 ; vi, 6 ; viii, 10 ; IV, viii, 4 ; XX, xi, 2 (cf. XX, ii, 6) ; Contre Apion, I, 14.