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Si les Clemens furent chrétiens, ce furent donc, on l’avouera, des chrétiens bien indécis. Ce que vit le public de la conversion de ces deux personnes illustres fut peu de chose. Le monde distrait qui les entourait ne savait pas bien dire s’ils étaient juifs ou chrétiens. Ces sortes de changements se reconnaissaient seulement à deux symptômes, d’abord une aversion mal dissimulée pour la religion nationale, un éloignement de tout rite apparent, qu’on supposait tenir au culte secret d’un Dieu intangible, innommable[1] ; en second lieu, une apparente indolence, un total abandon des devoirs et des honneurs de la vie civique, inséparables de l’idolâtrie[2]. Goût de la retraite, recherche d’une vie paisible et retirée, aversion pour les théâtres, pour les spectacles et pour les scènes cruelles que la vie romaine offrait à chaque pas, relations fraternelles avec ces personnes d’un rang humble, n’ayant rien de militaire, que les Romains méprisaient, éloignement des affaires publiques[3], devenues choses frivoles pour celui qui croyait à la prochaine venue du Christ, habitudes méditatives, esprit de détachement, voilà

  1. Ἀθεότης. Dion Cassius, LXVII, 14. Cf. Justin, Apol. I, 6, 8, 10, 13 ; Actes de saint Polycarpe, 3, 9, 12 ; Tertullien, Apolog., 24 ; Arnobe, Adv. nat., III, 28 ; Minucius Félix, Octav., 8, 10, 12.
  2. Contemptissima ignavia. Suétone, Dom., 15.
  3. Tertullien, Apol., ch. 38, 42, 43.