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pêcha pas d’être à quelques égards l’homme le plus intelligent de son temps. Caligula fut un bouffon lugubre, à la fois grotesque et terrible, mais amusant et peu dangereux pour ceux qui ne l’approchaient pas. Sous le règne de cette incarnation de l’ironie satanique qui s’appela Néron, une sorte de stupeur tint l’âme du monde en suspens ; on avait la conscience d’assister à une crise sans précédents, à la lutte définitive du bien et du mal. Après sa mort, on respira ; le mal semblait enchaîné ; la perversité du siècle paraissait adoucie. Qu’on songe à l’horreur qui s’empara de toutes les âmes honnêtes quand on vit la Bête renaître[1], quand on reconnut que l’abnégation de tous les gens de bien de l’empire n’avait abouti qu’à livrer le monde à un souverain bien plus digne d’exécration que les monstres qu’on croyait relégués dans les souvenirs du passé.

Domitien est probablement l’homme le plus méchant qui ait jamais existé[2]. Commode est plus odieux, car il est fils d’un père admirable ; mais Commode est une sorte de brute ; Domitien est un homme fort

  1. Subnero, portio Neronis, Nero calvus. Tertull., Apol., 5 ; Juvénal, iv, 38.
  2. Suétone, Dom. ; Dion Cassius, livre LXVII ; Tacite, Agricola, 45, etc. ; Pline le Jeune, Panég. de Traj. ; Philostrate, Vie d’Apollonius, VII et VIII.