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le plus important qui ait jamais été écrit. Ce n’est pas sans raison que, dans la classification des écrits de la nouvelle Bible, on lui a donné la première place[1]. La biographie d’un grand homme est une partie de son œuvre. Saint Louis ne serait pas ce qu’il est dans la conscience de l’humanité sans Joinville. La vie de Spinoza par Colerus est le plus bel ouvrage de Spinoza. Épictète doit presque tout à Arrien, Socrate à Platon et à Xénophon. Jésus de même a été en partie fait par l’Évangile. En ce sens, la rédaction des Évangiles est, après l’action personnelle de Jésus, le fait capital de l’histoire des origines du christianisme ; j’ajouterai de l’histoire de l’humanité. La lecture habituelle du monde est un livre où le prêtre est toujours en faute, où les gens comme il faut sont tous des tartufes, où les autorités laïques se montrent comme des scélérats, où tous les riches sont damnés. Ce livre, le plus révolutionnaire et le plus dangereux qu’il y ait, l’Église catholique l’a prudemment écarté ; mais elle n’a pu tout à fait l’empêcher de porter ses fruits. Malveillants pour le sacerdoce, railleurs pour le rigorisme, indulgents pour l’homme relâché qui a bon cœur, les Évangiles ont été le perpétuel cauchemar de

  1. Irénée, III, i, l.