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Cette naïveté de la forme ne doit pas faire illusion. Le mot de vérité n’a pas pour l’Oriental le même sens que pour nous. L’Oriental raconte avec une adorable candeur et avec l’accent du témoin une foule de choses qu’il n’a pas vues et dont il n’a aucune certitude. Les récits de fantaisie de la sortie d’Égypte que l’on fait dans les familles Israélites durant la veillée de Pâques ne trompent personne, et n’en ravissent pas moins ceux qui les entendent. Chaque année, les représentations scéniques par lesquelles on célèbre en Perse les martyres de la famille d’Ali sont enrichies de quelque invention nouvelle destinée à rendre les victimes plus intéressantes et les meurtriers plus odieux. On se passionne à ces épisodes tout autant que si on ne venait pas de les imaginer. C’est le propre de l’agada orientale de toucher profondément ceux qui savent le mieux qu’elle est fictive. C’est son triomphe d’avoir fait un tel chef-d’œuvre, que tout le monde s’y est trompé et que, faute de connaître les lois du genre, le crédule Occident a pris pour une enquête testimoniale le récit de faits qu’aucun œil n’a jamais pu voir.

Le propre d’une littérature de logia, de hadith, est de grossir toujours. Après la mort de Mahomet, le nombre de mots que les « gens du banc » lui attribuèrent fut innombrable. Il en fut de même pour