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la croissance d’un dogme où les jours valent des siècles. Une semaine après sa mort, Jésus avait une vaste légende ; de son vivant, la plupart des traits que nous venons d’indiquer étaient déjà écrits d’avance[1].

Un des grands facteurs de la création de l’agada juive, ce sont les analogies tirées des textes bibliques. Ce procédé servit à combler une foule de lacunes dans les souvenirs. Les bruits les plus contradictoires, par exemple, couraient sur la mort de Judas[2]. Une version domina bientôt ; Achitophel, le traître à David, y servit de prototype[3]. Il fut reçu que Judas se pendit comme lui. Un passage de Zacharie[4] fournit les trente deniers, le fait de les avoir jetés dans le temple, ainsi que le champ du potier, et rien ne manqua plus au récit.

L’intention apologétique fut une autre source féconde d’anecdotes et d’intercalations. Déjà les objections contre la messianité de Jésus se produisaient et exigeaient des réponses. Jean-Baptiste, disaient les mécréants, n’avait pas cru en lui ou avait cessé d’y croire ; les villes où l’on prétendait qu’il fit des miracles

  1. Vie de Jésus, p. 250 et suiv.
  2. Voir Vie de Jésus, p. 453 et suiv.
  3. Comp. II Sam., xvii, 23 (trad. grecque), et Matth., xxvii, 5.
  4. Zach., xi, 12-13.