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inconcevable, c’est que, dans une apocalypse chrétienne de près de deux cents vers, écrite au commencement du règne de Domitien, il ne fût pas une seule fois question de Jésus ressuscité, venant en Fils de l’homme sur les nuées du ciel juger les vivants et les morts. Ajoutons à cela un emploi d’expressions mythologiques, dont il n’y a pas d’exemple chez les écrivains chrétiens du ier siècle, un style artificiel, pastiche du vieux style homérique, qui suppose chez l’auteur la lecture des poëtes profanes et un long séjour aux écoles des grammairiens d’Alexandrie[1].

La littérature sibyllique paraît donc avoir eu son origine dans les communautés esséniennes ou thérapeutes[2] ; or les thérapeutes, les esséniens, les baptistes, les sibyllistes, vivaient dans un ordre d’idées fort analogues à celles des chrétiens, et ne différaient de ceux-ci que par le culte de la personne de Jésus. Plus tard, sans doute, toutes ces sectes juives se fondirent dans l’Église. De plus en plus, il ne restait que deux classes de juifs : d’une part, le juif observateur strict de la Loi, talmudiste, casuiste, le pharisien en un mot ; de l’autre, le juif large, réduisant le judaïsme à une sorte de religion naturelle ouverte aux païens

  1. Les épîtres de saint Jacques et de saint Jude offrent cependant une grécité un peu du même genre.
  2. Cf. Josèphe, B. J., II, viii, 12.