Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/209

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans la bouche des philosophes et des moralistes grecs les maximes qu’on désirait inculquer, il s’était établi, dès le iie siècle avant Jésus-Christ, un pseudo-sibyllisme dans l’intérêt des mêmes idées[1]. Au temps des Flavius, un Alexandrin reprit la tradition depuis longtemps interrompue et ajouta aux oracles antérieurs quelques pages nouvelles. Ces pages sont d’une remarquable beauté[2].


Heureux qui adore le grand Dieu, celui que les mains des hommes n’ont pas fabriqué, qui n’a pas de temple, que l’œil des mortels ne peut voir, ni leur main mesurer ! Heureux ceux qui prient avant de manger et de boire, qui, à la vue des temples, font un signe de protestation, et ont horreur des autels souillés de sang ! Le meurtre, les gains honteux, l’adultère, les crimes contre nature leur font horreur. Les autres hommes, livrés à leurs désirs pervers, poursuivent ces saintes gens de leurs rires et de leurs injures ; dans leur folie, ils les accusent des crimes qu’ils commettent eux-mêmes ; mais le jugement de Dieu s’accomplira. Les impies seront précipités dans les ténèbres ; les hommes pieux, au contraire, habiteront une terre fertile, l’Esprit de Dieu leur donnant vie et grâce.


Après ce début, viennent les parties essentielles de toute apocalypse : d’abord une théorie sur la succession des empires, sorte de philosophie de l’his-

  1. Carm. sib., III, §§ 2 et 4.
  2. Carm. sib., livre IV entier.