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cuméens, érythréens, pleins de menaces, présageant aux différents pays des catastrophes. Ces dictons, dont l’effet était grand sur les imaginations, surtout lorsque des coïncidences fortuites semblaient les justifier, étaient conçus dans le vieil hexamètre épique, en une langue qui affectait de ressembler à celle d’Homère. Les faussaires juifs adoptèrent le même rhythme, et, pour mieux faire illusion à des gens crédules, semèrent dans leur texte quelques-unes de ces menaces que l’on croyait provenir des vierges fatidiques de la haute antiquité.

La forme de l’apocalypse alexandrine fut ainsi le sibyllisme. Quand un juif ami du bien et du vrai, dans cette école tolérante et sympathique, voulait adresser aux païens des avertissements, des conseils, il faisait parler une des prophétesses du monde païen, pour donner à ses prédications une force qu’elles n’auraient pas eue sans cela. Il prenait le ton des oracles érythréens, s’efforçait d’imiter le style traditionnel de la poésie prophétique des Grecs, s’emparait de quelques-unes de ces menaces versifiées qui faisaient beaucoup d’impression sur le peuple, et encadrait le tout dans des prédications pieuses. Répétons-le, de telles fraudes à bonne intention ne répugnaient alors à personne. À côté de la fabrique juive de faux classiques, dont l’artifice consistait à mettre