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menée à diverses reprises avant d’arriver à l’empire le laisserait croire. Peut-être aussi était-ce la protestation qu’une âme noble avait dans un pareil temps le droit d’élever contre la destinée. Sa nature était sentimentale et aimante. L’affreuse méchanceté de son frère le tuait. Il voyait clairement que, s’il ne prenait les devants, Domitien les prendrait. Avoir rêvé l’empire du monde pour s’en faire adorer, voir son rêve accompli, en apercevoir alors la vanité et reconnaître qu’en politique la bonté est une erreur, voir le mal se dresser devant soi sous la forme d’un monstre qui vous dit : « Tue-moi, ou je te tue ! » quelle épreuve pour un bon cœur ! Titus n’avait pas la dureté d’un Tibère ou la résignation d’un Marc-Aurèle. Ajoutons que son régime hygiénique était des plus mauvais. En tout temps et surtout à sa maison près de Rieti, où les eaux étaient très-froides, Titus prenait des bains capables de tuer les hommes les plus vigoureux[1]. Tout cela dispense assurément de recourir, pour expliquer sa mort prématurée, à la supposition d’un empoisonnement[2]. Domitien ne fut

  1. Plutarque, De sanitate præc., 3. Vespasien était mort aussi de l’abus de ces eaux froides. Suétone, Vesp., 24.
  2. Dion Cassius, LXVI, 26 ; Philostrate, Apoll., VI, 32 ; Aurelius Victor, Cæs., X, 5 (le même, Epit., X, 15, se contredit). Suétone ne parle pas de ce bruit. Plutarque (l. c.) l’exclut, et déclare tenir ses renseignements des médecins mêmes