Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’était tué lui-même, et qu’en tout cas un décret supérieur de la Divinité, dont Titus n’avait été que l’instrument, planait sur tout cela. Titus se plaisait évidemment à entendre soutenir cette thèse. Il oubliait volontiers ses cruautés et l’arrêt qu’il avait, selon toute apparence, prononcé contre le temple, quand ses vaincus eux-mêmes venaient lui suggérer de telles apologies. Titus avait un grand fond d’humanité ; il affectait une modération extrême[1] ; il fut sans doute bien aise que cette version se répandît dans le monde juif ; mais il était bien aise aussi quand, dans le monde romain, on racontait la chose d’une tout autre manière et qu’on le représentait sur les murs de Jérusalem comme un vainqueur altier, ne respirant que l’incendie et la mort[2].

Le sentiment de sympathie que tout cela suppose chez Titus pour les juifs devait aussi s’étendre aux chrétiens. Le judaïsme tel que l’entendait Josèphe se rapprochait par plusieurs côtés du christianisme, surtout du christianisme de saint Paul. Comme Josèphe, la plupart des chrétiens avaient condamné l’insurrection, maudit les zélotes ; ils professaient hautement la soumission aux Romains. Comme Josèphe, ils tenaient la partie rituelle de

  1. Philostrate, Vie d’Apoll., VI, 29.
  2. V. l’Antechrist, p. 504 et suiv., 511 et suiv.