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bonne nouvelle aux pauvres, pour guérir ceux dont le cœur est brisé, prêcher aux captifs la liberté, aux prisonniers la délivrance ; pour annoncer l’année propice de Jéhovah, le jour de la revanche de notre Dieu ; pour consoler tous ceux qui pleurent. » Le mebasser ou « évangéliste »[1] avait pour rôle spécial d’exposer cette histoire excellente, qui fut, il y a dix-huit cents ans, le grand instrument de la conversion du monde, qui reste encore le grand argument du christianisme, en sa lutte des derniers jours.

La matière était traditionnelle ; or la tradition est par essence une matière molle et extensible. Aux paroles authentiques de Jésus se mêlaient chaque année des dires plus ou moins supposés. Se produisait-il dans la communauté un fait nouveau, une tendance nouvelle, on se demandait ce que Jésus en eût pensé ; un mot se répandait, on ne se faisait nulle difficulté de l’attribuer au maître[2]. La collection de la sorte s’enrichissait sans cesse, et aussi

  1. Act., xxi, 11 ; Éphés., iv, 11 ; II Tim., iv, 5.
  2. On voit l’analogie avec les hadith de Mahomet. Mais, comme Mahomet laissa un volume authentique, le Coran, qui a tout écrasé de son autorité, les lois qui président d’ordinaire à la rédaction des traditions orales furent déroutées ; les hadith n’arrivèrent pas à former un code consacré. Si Jésus avait écrit un livre, les Évangiles n’auraient pas existé.