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Nous verrons, en parlant de l’Évangile selon Matthieu, que l’on peut encore se figurer à peu près l’état de ces premiers soutras chrétiens. C’étaient des espèces de fascicules de sentences et de paraboles, sans beaucoup d’ordre, que le rédacteur de notre Matthieu a insérés en bloc dans son récit. Le génie hébreu avait toujours excellé dans la sentence morale ; en la bouche de Jésus, ce genre exquis avait atteint la perfection. Rien n’empêche de croire que Jésus parlât en effet de la sorte. Mais la « haie » qui, selon l’expression talmudique, protégeait la parole sacrée était bien faible. Il est de l’essence de tels recueils de croître par une concrétion lente, sans que les contours du noyau primitif se perdent jamais. Ainsi le traité Éduïoth, petite mischna complète, noyau de la grande Mischna, et où les dépôts des cristallisations successives de la tradition sont très-visibles, se retrouve comme traité à part dans la grande Mischna. Le Discours sur la montagne peut être considéré comme l’éduïoth de l’Évangile, c’est-à-dire comme un premier groupement artificiel, qui n’empêcha pas des combinaisons ultérieures de se produire ni les maximes ainsi réunies par un fil léger de s’égrener de nouveau.

En quelle langue étaient rédigés ces petits recueils des sentences de Jésus, ces Pirké Iéschou, s’il est permis de s’exprimer ainsi ? Dans la langue