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mouraient chaque jour, et que beaucoup de mots, d’anecdotes, menaçaient de se perdre, on sentit la nécessité de les écrire. De divers côtés il s’en forma de petits recueils. Ces recueils offraient, avec des parties communes, de fortes variantes ; l’ordre et l’agencement surtout différaient ; chacun cherchait à compléter son cahier en consultant les cahiers des autres, et naturellement toute parole vivement accentuée, qui naissait dans la communauté, bien conforme à l’esprit de Jésus, était avidement saisie au vol et insérée dans les recueils. Selon certaines apparences, l’apôtre Matthieu aurait composé un de ces mémoriaux, qui aurait été généralement accepté[1]. Le doute cependant à cet égard est permis ; il est même plus probable que toutes ces petites collections de paroles de Jésus restèrent anonymes, à l’état de notes personnelles, et

  1. Papias, dans Eus., H. E., III, xxxix, 16 : Ματθαῖος μὲν οὖν ἑϐραΐδι διαλέκτῳ τὰ λόγια συνεγράψατο, ἡρμήνευσε δ’αὐτὰ ὡς ἦν δυνατὸς ἕκαστος. On ne peut dire que Papias entende par τὰ λόγια un simple recueil de sentences sans récit. En effet, Papias, commentant les λόγια κυριακά, n’était amené à parler dans sa préface que de ce qui l’intéressait. Sa phrase peut très-bien s’appliquer à un Évangile mêlé de sentences et de récits. Parlant de Marc (ibid., xxxix, 15), Papias dit que son livre contenait τὰ ὑπὸ τοῦ χριστοῦ ἢ λεχθέντα ἢ πραχθέντα (cf. Platon, Phédon, 2), ce qui ne l’empêche pas d’employer à propos de ce livre les mots de σύνταξις τῶν κυριακῶν λόγων. L’ouvrage même de Papias, intitulé Λογίων κυριακῶν ἐξηγήσεις, renfermait des récits (Routh, Rel. sacræ p. 7 et suiv.).