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duisaient dans de petits récits en quelque sorte stéréotypés et sus par cœur. Cela est certain pour ce qui regarde l’institution de la Cène[1]. Il en fut aussi probablement de même pour les lignes essentielles du récit de la Passion ; du moins l’accord du quatrième Évangile et des trois autres sur cette partie essentielle de la vie de Jésus porte à le supposer.

Les sentences morales, qui formaient la partie la plus solide de l’enseignement de Jésus, étaient encore plus faciles à garder. On se les récitait assidûment. « Vers minuit, je me réveille toujours de moi-même, fait dire à Pierre un écrit ébionite composé vers l’an 135, et le sommeil ensuite ne me revient plus. C’est l’effet de l’habitude que j’ai prise de rappeler à ma mémoire les paroles de mon Seigneur que j’ai entendues, afin de pouvoir les retenir fidèlement[2]. » Cependant, comme ceux qui avaient reçu directement ces divines paroles

  1. I Cor., xi, 23 et suiv., passage écrit avant qu’aucun Évangile existât, et que Paul déclare tenir de tradition première, παρέλαϐον ἀπὸ τοῦ κυρίου. Voir l’Antechrist, p. 60-61. Voyez aussi I Thess., v, 2, οἴδατε, à propos d’une comparaison familière à Jésus. L’Église conserva jusqu’au Ve siècle l’usage de formules non écrites et sues par cœur, surtout en ce qui touche la Cène. Saint Basile, De Spir. sancto, c. 27 ; saint Cyrille de Jér., Catéch. v, 12 ; saint Jérôme, Epist. 61 (37) ad Pamm., c. 9, Mart., IV, 2e part., col. 323.
  2. Récognitions, II, 1. Comp. Luc, ii, 19.