Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

être atteignirent les chefs de l’Église de Jérusalem réfugiés en Batanée[1]. Nous verrons ces poursuites reprises avec beaucoup plus de rigueur sous Domitien.

L’immense danger que renfermaient pour le christianisme naissant ces préoccupations de généalogies et de descendance royale n’a pas besoin d’être démontré. Une sorte de noblesse du christianisme était en voie de se former. Dans l’ordre politique, la noblesse est presque nécessaire à l’État, la politique ayant trait à des luttes grossières, qui en font une chose plus matérielle qu’idéale. Un État n’est bien fort que quand un certain nombre de familles, par privilège traditionnel, ont pour devoir et pour intérêt de suivre ses affaires, de le représenter, de le défendre. Mais, dans l’ordre de l’idéal, la naissance n’est rien : chacun y vaut en proportion de ce qu’il découvre de vérité, de ce qu’il réalise de bien. Les institutions qui ont un but religieux, littéraire, moral, sont perdues, quand les considérations de famille, de caste, d’hérédité, viennent à y prévaloir. Les neveux et les cousins de Jésus eussent causé la perte du christianisme, si déjà les Églises de Paul n’avaient eu assez de force pour faire contre-poids à cette aristocratie, dont la tendance eût été de se proclamer

  1. Eusèbe, H. E., III, 12, d’après Hégésippe ; Orose, VII, 10. Cf. Eus., H. E., III, 19, 20, 32.