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à Jacques et à Jean, tous deux appartenant au parti judéo-chrétien, et que ce parti crut exalter en leur attribuant les prérogatives des grands prêtres juifs. M. Keim et M. Scholten reprochent également à Polycrate de croire que le Philippe qui vint se fixer à Hiérapolis avec ses filles prophétesses est l’apôtre Philippe. Je crois que Polycrate a raison, et que, si l’on compare attentivement le verset Actes, xxi, 8, aux passages de Papias, de Proclus, de Polycrate, de Clément d’Alexandrie, sur Philippe et ses filles résidant à Hiérapolis[1] on se convaincra que c’est de l’apôtre qu’il s’agit. Le verset des Actes a tout l’air d’une interpolation. M. Holtzmann[2] semble adopter sur ce point l’hypothèse que j’avais proposée dans mes Apôtres ; j’y tiens plus que jamais.

Le passage le plus curieux des Pères de l’Église sur la question qui nous occupe est le fragment de l’épître d’Irénée à Florinus, qu’Eusèbe nous a conservé[3]. C’est une des belles pages de la littérature chrétienne au second siècle : « Ces opinions-là, Florinus, ne sont pas d’une saine doctrine ;… ces opinions ne sont pas celles que te transmirent les anciens qui nous ont précédés et qui avaient connu les apôtres. Je me souviens que, quand j’étais enfant, dans l’Asie inférieure, où tu brillais alors par ton emploi à la cour, je t’ai vu près de Polycarpe, cherchant à acquérir son estime. Je me souviens mieux des choses d’alors que de ce qui est arrivé depuis, car ce que nous avons appris dans l’enfance croît avec l’âme, s’identifie avec elle ; si bien que je pourrais dire l’endroit où le bienheureux Polycarpe s’asseyait pour causer, sa démarche, ses habitudes, sa façon de vivre, les traits de

  1. Voir ci-dessus, p. 342-344, et les Apôtres, p. 151, note.
  2. Judenthum und Christenthum, p. 719.
  3. Hist. eccl., V, 20.